Le marché immobilier français traverse actuellement une période charnière. Entre des transactions en berne, des taux d’intérêt qui ont longtemps pesé sur le pouvoir d'achat et un parc immobilier parfois figé par des propriétaires attentistes, le législateur a décidé d’actionner un levier fiscal majeur pour redynamiser le secteur : la réforme des plus-values immobilières.
Adoptée par l’Assemblée nationale début novembre 2025 dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, cette réforme vise à inciter les propriétaires à remettre leurs biens en circulation plutôt que de les conserver uniquement pour attendre une exonération fiscale. Pour les investisseurs en résidences services (EHPAD, seniors, étudiants), ces évolutions sont cruciales et pourraient transformer durablement les stratégies patrimoniales.
1. Le régime actuel : un système qui encourage l’attentisme
Pour comprendre la portée de la réforme, il faut rappeler les bases actuelles. La plus-value immobilière est calculée sur la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition (majoré des frais et travaux). Hors résidence principale, cette plus-value est soumise à une taxation globale de 36,2 %, décomposée en 19 % d'impôt sur le revenu (IR) et 17,2 % de prélèvements sociaux (PS).
Jusqu’à présent, le système d’abattements progressifs imposait une détention très longue pour une exonération totale:
- Pour l'impôt sur le revenu : une exonération totale après 22 ans de détention.
- Pour les prélèvements sociaux : une exonération totale après 30 ans de détention.
Ce mécanisme a souvent été critiqué car il pousse les propriétaires à « bloquer » leurs biens pour atteindre ces échéances fiscales, contribuant ainsi à la pénurie de logements sur le marché.
2. La réforme 2026 : l’exonération d'impôt sur le revenu dès 17 ans 🎯
L'amendement phare porté par le député Corentin Le Fur change la donne : la durée de détention nécessaire pour l’exonération totale d'impôt sur le revenu passerait de 22 à 17 ans.
Ce qui change concrètement :
- Le nouveau barème d’abattement pour l’IR serait de 6 % par an de la 6ème à la 16ème année, puis de 4 % la 17ème année pour atteindre les 100 %.
- Attention : le délai pour l'exonération des prélèvements sociaux reste fixé à 30 ans. Entre la 17ème et la 30ème année, vous seriez donc exonéré d’impôt sur le revenu, mais toujours redevable des 17,2 % de prélèvements sociaux (après abattements spécifiques).
Un impact chiffré significatif
Prenons l'exemple d'un bien acheté 100 000 € et revendu 200 000 € après 16 ans de détention. Avec l'ancien régime, l'abattement d'IR n'était que de 60 %. Avec la nouvelle réforme, l'économie d'impôt sur une telle transaction pourrait représenter plusieurs milliers d'euros, rendant la revente anticipée bien plus attractive.
3. LMNP : une révolution fiscale et une exception pour les résidences gérées 🌟
Parallèlement, la loi de finances pour 2025 a introduit un changement sismique pour les loueurs en meublé non professionnels (LMNP) : la réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value.
Depuis le 15 février 2025, pour un LMNP "classique", les amortissements déduits durant la phase de location (qui permettaient de réduire l'imposition des loyers) sont désormais déduits du prix d'acquisition lors de la revente, augmentant ainsi mécaniquement la plus-value imposable.
La bonne nouvelle pour les investisseurs en résidences services :
Les biens situés en résidences gérées (EHPAD, résidences seniors, résidences étudiantes) sont exclus de cette obligation de réintégration. Le législateur reconnaît ainsi l'utilité sociale majeure de ces structures.
Par exemple, pour un lot en EHPAD revendu avec 45 000 € d'amortissements cumulés, la plus-value ne sera pas majorée de ce montant, contrairement à un appartement meublé standard. L'économie finale peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros.
4. Les débats au Sénat : vers une indexation sur l'inflation ?
En décembre 2025, le Sénat a proposé une vision encore plus radicale : supprimer totalement les abattements pour durée de détention au profit d’un mécanisme d’indexation du prix d’acquisition sur l’inflation. L'idée est de ne taxer que la « vraie » plus-value économique à un taux réduit de 15 %.
Toutefois, le gouvernement reste prudent, craignant de déstabiliser les stratégies des propriétaires ayant déjà planifié leur sortie à 17 ou 22 ans. Ces débats montrent que la fiscalité immobilière reste un sujet mouvant qu'il convient de suivre de près.
5. Stratégies d'optimisation pour votre patrimoine
Face à ces évolutions, plusieurs axes de réflexion s'offrent aux investisseurs :
- Arbitrage anticipé : Si vous détenez un bien depuis plus de 15 ans, il peut être pertinent de viser une revente dès la 17ème année pour libérer du capital.
- Avantage compétitif des résidences services : L'exemption de réintégration des amortissements rend l'EHPAD et les résidences étudiantes beaucoup plus attractifs que le meublé classique.
- Détention longue : La stratégie de conservation au-delà de 30 ans reste la seule permettant une exonération fiscale totale (IR et PS).
Le marché secondaire : une opportunité à saisir
Cette réforme devrait dynamiser le marché secondaire des résidences services. En ramenant le délai d'exonération à 17 ans, de nombreux propriétaires pourraient mettre leurs lots en vente plus tôt, offrant ainsi de nouvelles opportunités d'acquisition pour les investisseurs cherchant des rendements stables et une gestion déléguée.
Conclusion
La réforme inscrite dans le PLF 2026 marque un tournant . En réduisant le délai d'exonération de l'impôt sur le revenu, le législateur encourage la rotation des actifs. Pour les investisseurs avertis, et particulièrement dans le secteur des résidences gérées, ces mesures confortent l'intérêt de placements immobiliers fiscalement optimisés.
Pierre ERRERA Fondateur & Dirigeant – EHPAD INVEST Spécialiste du marché secondaire des résidences services depuis 2003
Avertissement : Cet article est rédigé à titre informatif et ne constitue pas un conseil fiscal personnalisé. Les mesures décrites sont susceptibles d'évoluer au cours de la navette parlementaire. Nous vous recommandons de consulter un professionnel avant toute décision.